L’influence du territoire sur le goût des vins

Les Coteaux de la rive droite de la Garonne

Parcelle de vignes du Château Gayon – 23 juin 2020

© Anne-Sophie Martins

« Le vin est le fils du soleil et de la terre, mais il a eu le travail comme accoucheur. » (Paul Claudel, 1935). Cette célèbre citation de l’ambassadeur de France en Belgique (de 1933 à 1935) prononcée à l’occasion d’un banquet à la Foire internationale de Bruxelles met en évidence que le lien entre la racine et la rhizosphère dépend de trois facteurs : le climat qui favorise les interactions entre le végétal, l’air et le sol ; la nature du sol ou la géo-pédologie et les pratiques culturales ou le travail humain.

Notre exploitation se situe à Caudrot et à Sainte-Foy-la-Longue, deux communes du Sud-Ouest de la France, situées dans le département de la Gironde.
Elle est soumise au climat et à la géo-pédologie du territoire des Coteaux de la rive droite de la Garonne, situés entre la Garonne et la Dordogne. C’est ce territoire qui donne à nos raisins puis à nos vins leurs particularités gustatives, visuelles et olfactives.

Quelles sont les particularités de ce territoire et leurs impacts sur nos vins ?

Le sol, élément clé de la qualité de la vigne

La rhizosphère, compartiment du sol influencé par la racine, a un rôle considérable sur la nutrition des plantes selon Dr. Lorenz Hiltner en 1904. Cette couche de terre mesurant dix à vingt centimètres abrite une vie microbienne intense et est un lieu d’échange important entre le végétal et le minéral, condition primordiale pour que les sols s’expriment dans le raisin, puis dans le vin. Les racines de la vigne puisent l’eau des nappes phréatiques et les sels minéraux dont la plante a besoin jusqu’à très loin dans le sol, parfois même à six mètres. Nous pouvons ainsi dire que la partie visible de la vigne n’est donc que la partie « émergée de l’iceberg. »
Ainsi, les sols, partie intégrante de nos paysages, intéressent les viticulteurs depuis toujours. D’abord comme simple support de cultures, de forêts et d’habitations puis avec la pédologie qui étudie plus précisément la composition des sols. Le mythe raconte même que dès le Moyen Âge, les moines bénédictins goûtent la terre afin de déterminer la qualité de leurs parcelles et de délimiter les terroirs viticoles (Garcia, 2020).

Le sol des coteaux de la rive droite de la Garonne

Nos vignes sont plantées sur un sol composé d’argiles et de graves en surface, sur des sous-sols calcaires. C’est un sol argilo-calcaire.
Les argiles ont la capacité de conserver l’eau et de la restituer à la plante lors des périodes sèches, tout en assurant aux vignes la contrainte hydrique dont elles ont besoin pour produire des raisins de grande qualité. Le sol où poussent nos vignes contient beaucoup de cailloux, ce qui en fait un bon sol viticole facilitant le drainage. Il est ainsi riche en éléments fertilisants et absorbe lentement l’eau en la retenant. Cette retenue d’eau va éviter le dessèchement trop rapide des cultures. À l’inverse, nous pouvons y voir des inconvénients par un réchauffement très long à la sortie de l’hiver, d’où des risques en cas de gel, augmentés par la forte teneur en eau.

Ainsi, les sols argilo-calcaires des coteaux de la rive droite de la Garonne sont des sols équilibrés mêlant l’argile et sa fraîcheur aux propriétés filtrantes des pierres calcaires. Ils permettent d’obtenir des vins à la couleur soutenue, ayant du corps, de la puissance, tout en restant ronds et souples sans être gras.

La topographie de notre vignoble

Notre vignoble est planté sur des coteaux parallèles à la Garonne, séparés les uns des autres par de larges vallées perpendiculaires au fleuve. De nombreux petits ruisseaux, affluents de la Garonne, ont entaillés les coteaux calcaires et ont creusés leur lit dans de larges vallées. La confluence de la Garonne et du Dropt, qui se jette à Caudrot, draine alors le sous-sol de notre vignoble.
Les coteaux sont couverts de vignes depuis quelques années et en fonds de vallons, le paysage est marqué par des bois.

Afin de lutter contre l’érosion des sols et de limiter les transferts de produits phytosanitaires, tout en favorisant la biodiversité et en embellissant le paysage, nous souhaitons réaliser des jachères fleuries, comme nous le faisions déjà auparavant. Aussi, la présence de végétation herbacée et de fleurs permet de nourrir de nombreux animaux et ce couvert végétal offre abri et gîte aux oiseaux, aux mammifères et à la faune auxiliaire.

Le climat entre la Dordogne et la Garonne

Outre la qualité des sols, il existe des conditions climatiques idéales à la vigne.
Le climat auquel font face nos vignes est un climat continental, tout en gardant les caractéristiques du climat océanique tempéré.
Ce type de climat est caractérisé par une moyenne annuelle de température élevée qui est supérieure à 13°C et un nombre élevé de jours chauds, tandis que les jours qui présentent un gel inférieur à – 5°C sont rares.
Les précipitations sont dites moyennes en cumul annuel (800-900 mm) et sont plus fréquentes en hiver (9-11 jours) qu’en été (moins de 6 jours). Néanmoins, leur intensité est faible l’hiver (précipitations océaniques) et plus élevée l’été avec les perturbations orageuses venant de l’Espagne ou du golfe de Gascogne (JOLY & co., 2010).
La pénétration de l’eau lors des pluies violentes d’été, lorsque le sol est bien sec, s’avère alors problématique en créant des flaques persistantes et de larges fentes. L’humidité accrue l’été peut également favoriser le développement du mildiou sur nos vignes bio.

Ce climat a toutefois des points positifs. Avec ce climat chaud, nous faisons face à une concentration importante des moûts et l’équilibre entre l’acidité, l’alcool et le sucre doit alors être judicieusement géré. Ainsi, nous ne sucrons pas nos vins car ils accusent déjà des taux de sucre résiduel élevés.
Sur nos terrains viticoles, nous retrouvons des conditions optimales de production des vins blancs liquoreux. Les gelées printanières y sont plus rares qu’ailleurs, les bourgeons y éclatent avec plus de précocité, favorisant une meilleure maturation des raisins. (Hinnewinkell, 1999)

Tous les vins produits dans la zone AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) de Bordeaux respectent des conditions de productions visant à assurer une qualité définie. Notre vin Bordeaux Supérieur rouge par exemple, doit provenir de vignes plus anciennes, plus denses, dont la taille limite les rendements et il doit être vieilli en barrique durant 9 mois environ.
Bien que les conditions de productions soient les mêmes, chaque vin venant d’une sous-région de cette vaste appellation Bordeaux, aura pourtant des particularités bien définies.

Ainsi, plus concentrés, complexes et puissants en bouche que la plupart des Bordeaux, les vins rouges Bordeaux des coteaux de la rive droite ont des arômes de fruits noirs (cerise, framboise, cassis), violette avec des touches de réglisse, de cèdre et de prune séchée ou de rose. Les vins blancs Bordeaux sont quant à eux, légèrement sucrés, fruités, légers et rafraîchissants.

Le vignoble bordelais est une mosaïque de terroirs hétérogènes à la personnalité affirmée, entre reliefs, expositions, climat et sols variables.

 

Le 20 juillet 2020,

Anne-Sophie Martins – Etudiante en Master géographie alimentaire, Sorbonne-Université

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